2013 ★ Don Jon, de Joseph Gordon-Levitt

30 décembre 2013

2013 ★ Don Jon, de Joseph Gordon-Levitt

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Le miroir du monde

Quelle est la place de l'image dans notre société ? Quels effets néfastes a-t-elle sur nous ? C'est à ces questions que tente de répondre Joseph Gordon-Levitt dans son premier film en tant que réalisateur. Car l'image, là est bien le sujet de Don Jon, que ce soit notre propre image, l'image que l'on se fait de l'autre ou les images (télévisées, cinématographiques, publicitaires, etc...) qui changent notre perception du monde réel.

Jon, beau parleur et dragueur incontesté, prend soin de son apparence, pour paraître acceptable aux yeux de sa famille, de ses amis, de la société et surtout, aux yeux des filles. En témoignent sa voiture et sa coiffure de playboy des temps modernes, ses bras musclés qu'il laisse sortir de ses divers débardeurs et son goût prononcé pour le nettoyage de son appartement. Tout n'est qu'apparence chez Jon, même ses confessions à l'église. Il n'a a priori aucune raison d'être un fervent chrétien, bien qu'il se rende chaque dimanche à la messe avec sa famille pour raconter ses déboires de la semaine au confessionnal. Une façon pour lui de se racheter aux yeux de la société et aux yeux de Dieu, en avouant ses lubies les plus douteuses. Jon est pourtant loin d'être un ange, puisqu'il est accro aux vidéos pornographiques et aux histoires sans lendemain. Mais le jeune homme a beau enchaîner les conquêtes, son verdict est sans appel : le porno, c'est mieux que le sexe. Il en vient donc, lors de ses sorties en boîte, à chercher des filles correspondant aux canons de beauté de ses vidéos.

C'est dans ce contexte qu'il rencontre la sulfureuse Barbara, avec qui il croira vivre une histoire correspondant à ses clichés et avec qui il pourra enfin réaliser ses fantasmes les plus fous. Mais celle-ci ne l'entend pas de cette oreille, puisqu'elle aussi est bercée d'illusions, cette fois véhiculées par les comédies romantiques. Son homme doit l'inviter à dîner, l'aider à choisir des décorations d'appartement, ne doit pas faire le ménage mais doit surtout être prêt à tout pour elle. Elle oblige même Jon à reprendre ses études car son homme idéal se doit d'être cultivé. Avant de coucher avec lui, elle s'assure que celui-ci a la ferme intention de lui présenter sa famille et de rencontrer la sienne. Elle se décide finalement à sauter le pas après avoir vu Jon un bébé dans les bras, c'est-à-dire après s'être fait une image, aussi stéréotypée soit-elle, de son Jules en tant que père. Mais lorsqu'elle découvre que Jon passe ses journées sur des sites pornographiques, la princesse Barbara préfère fuir, se rendant finalement compte que son prince charmant n'est pas tout à fait celui auquel elle s'attendait.

La famille de Jon se révèle également être une grande consommatrice d'images. Le père, constamment devant son poste de télévision, en vient à se disputer avec son fils à propos d'une simple image qu'il a manqué durant la diffusion d'un match de football américain. Sa conception de la famille est très formaliste puisqu'il déclare qu'avoir des enfants est la plus grande joie que puisse connaître un homme dans sa vie. Pour sa mère, Jon se doit de trouver la perle rare pour lui donner de beaux petits enfants. Elle tombe alors sous le charme de Barbara en qui elle voit déjà une future belle-fille, puis fond en larmes à la fin du film lorsque Jon lui annonce sa rupture avec la jeune femme et le fait de ne pas être sûr de vouloir fonder une famille. La soeur de Jon, continuellement en train d'envoyer des messages sur son smartphone, est elle aussi hypnotisée par un écran. Celle-ci ne prononce pas un mot jusqu'au tout dernier repas de famille, où elle révèle ses talents d'observatrice. Elle est finalement la seule à voir la réalité telle qu'elle est, à poser un regard juste sur les personnes qui l'entourent et à avoir élucidé les intentions conformistes de Barbara.

Don Jon dresse alors le tableau de plusieurs générations enfermées dans leur individualisme et incapables de communiquer. Les parents de Jon se révèlent finalement bien plus superficiels que leur fils, le père ne trouvant d'autre sujet de conversation que le sport et la mère, tellement engoncée dans sa conception parfaite de la famille, ne se souciant guère de ce que son fils souhaite réellement. Et ce que Jon veut, c'est avec Esther qu'il le trouve. Une relation sans mensonge ni interdit, une histoire où la famille n'a pas sa place, une fusion des corps spontanée et sans cliché, qui n'a peut-être pas de lendemain, mais qui trouve son accomplissement dans le moment présent.