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Ephèm'arts
2 mai 2014

2014 ★ Tom à la ferme, de Xavier Dolan

TOM-À-LA-FERME-bandeau-Go-with-the-Blog

Comme une pierre que l'on jette...

          Avec quatre films à son actif à seulement 25 ans, Xavier Dolan est sans aucun doute le cinéaste le plus envié de sa génération. Sale gosse prétentieux, militant naïf, mélomane hyperactif : depuis son premier long-métrage J'ai tué ma mère, Dolan a de quoi être habillé pour l'hiver. Avec son nouveau-né Tom à la ferme, le jeune réalisateur québécois abandonne ses tics clipesques et ses propos candides, sans pour autant laisser au placard ses goûts musicaux et son sens aiguisé de la mise en scène. Avec ce thriller fermier angoissant, les bouches médisantes risquent bel et bien de retourner leurs vestes.

          L'épure de la mise en scène est la première surprise de ce nouveau Dolan. Lorsque Tom arrive dans une ferme anonyme, l'endroit est vide, silencieux, un brin sinistre. La tension et l'atmosphère étouffante nous envahissent déjà, et même la fameuse chanson Les moulins de mon coeur, tournant plein pot dans la voiture de Tom, ne parvient pas à nous rassurer. La chaleur des séquences musicales de Laurence Anyways ou la convivialité des entrevues des Amours imaginaires sont déjà bien loin et laissent place ici à une bizarrerie innommable, à un ton si glacial que le vent qui siffle à nos oreilles vient aussi nous glacer les os.

                                                            TOM A LA FERME PHOTO5

          Le personnage de Tom est un acteur primordial dans cette inquiétante étrangeté. Les traits de Xavier Dolan donnent à la fois au protagoniste une espièglerie contrariée et une difformité sublime. Nous restons accrochés à ses lèvres pleines, à son regard fuyant, prêts à le voir se rebeller contre les traitements que lui fait subir Francis, le frère tyrannique de son amant décédé. Mais Tom reste stoïque, manipulé jusqu'à la pointe de ses cheveux d'un blond délavé, nous entraînant dans un huis clos sombre et a priori sans issue. Tom développe pour son geôlier une attirance malsaine, caractéristique du syndrome de Stockholm. Ainsi, Tom et Francis s'adonnent à une valse mécanique dans un hangar désert, tanguant entre sensualité et animosité.

          Francis, pour protéger sa mère ignorant l'homosexualité de son défunt fils, oblige Tom à devenir l'objet d'une mise en scène terrible, tel un pantin qu'il peut diriger à sa guise. Pour ne pas s'attirer les foudres de ce dernier, Tom vit reclus dans le mensonge et subit plusieurs humiliations qui le plongent dans une torpeur horrifiante. Véritable métaphore d'une société encore trop peu tolérante, Tom à la ferme se dresse comme un poignant manifeste contre la violence et l'incompréhension. Dans cette ode à la différence, la culture queer de Dolan s'imisce même dans les moindres détails, de son narcissisme donnant lieu à de nombreux gros plans sur son propre visage jusque dans l'étourdissante chanson Going to a town de l'icône gay Rufus Wainwright, habillant le générique de fin.

                                                                tom-ferme_lise-roy

         La claustrophobie naît aussi bien de ce ballet masochiste entre les deux protagonistes que de l'image elle-même. Dans les moments les plus haletants pour le spectateur, les plus dégradants pour Tom, le cadre se rétrécit lentement, enfermant progressivement le personnage dans sa prison de mensonges. La vision se réduit, la musique éclate, le thriller horrifique est à son paroxysme. Si la musique de Gabriel Yared sert à appesantir l'atmosphère de ces séquences exaltantes, celle-ci se trouve moins bienvenue tout au long du film. Les notes omniprésentes viennent souvent agresser l'image au lieu de la soutenir, comme dans une scène d'église où le silence total aurait été d'autant plus oppressant qu'une mélodie à la Bernard Hermann.

          Malgré tout, Xavier Dolan surprend agréablement, autant par un propos coup de poing que par un traitement plus sage, moins maniéré que dans ses précédents films. Dolan grandit de film en film et fait tourner de son nom tous les moulins de nos coeurs. Mais Tom à la ferme marque-t-il un réel tournant de la maturité pour le cinéaste québécois ou n'était-ce qu'un court répit dans la tornade dolanienne ? Réponse avec Mommy, sélectionné au prochain Festival de Cannes, qui risque encore de faire jaser nos éternels dubitatifs.

                                 Tom_à_la_ferme_2

Rufus Wainwright - Going to a Town

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