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Ephèm'arts
25 mai 2014

2014 ★ Charlie Countryman, de Fredrik Bond

Bona

 Bons baisers de Bucarest

      Bande-annonce tapageuse, affiche colorée, casting alléchant : tout, dans la promo de Charlie Countryman, nous promettait un film étrange, dynamique, enchanteur, dérangeant. Une fois dans la salle, nos attentes sont directement déçues : le thriller romantique qu'on espérait est bien plus classique qu'étrange, bien plus amorphe que dynamique, bien plus assommant qu'enchanteur. Nous aurions pourtant tort de ne voir en ce film que la somme de nos désillusions et de ne pas le juger pour ce qu'il est réellement. Malheureusement, une fois nos grandes espérances laissées de côté, le film n'en est pas meilleur pour autant.

       Après la mort de sa mère, Charlie rencontre le fantôme de cette dernière, qui lui fait part de son ultime volonté : pour une raison obscure, elle veut que son fils voyage à Bucarest. Le jeune homme se lance alors à corps et à coeur perdus dans l'aventure, sans se douter des rencontres (tantôt heureuses, tantôt infortunées) qui l'attendent. Ce périple initiatique s'avère très vite ennuyeux, alors que Fredrik Bond s'acharne à vouloir insuffler de l'action, du suspense et de la douceur dans ce qui aurait pu former un mélange explosif. Au lieu de cela, le manque de savoir-faire de Bond (c'est son premier film, sachez-le) perd le spectateur dans une bouillie sans nom : nous ne savons plus si nous sommes dans un thriller, une romance ou un drame profond et nous finissons par ne nous attacher à aucun des trois genres.

                                                         © Bona Fide Productions

       Les acteurs ne parviennent pas non plus à rattrapper ce gloubi-boulga apathique. Shia Labeouf, qui aurait pu être étonnant dans ce rôle d'écorché vif et de victime désabusée, adopte un jeu complètement aseptisé et ne décolle jamais. Aussi inexpressif que les robots de Transformers, l'acteur reste figé dans une torpeur compréhensible : il ne sait pas ce qu'il est venu faire là (surtout après être passé chez Lars Von Trier), et on se le demande bien aussi. Evan Rachel Wood, elle, ne convainc jamais dans la peau du personnage de Gabi, jeune fille roumaine aux cheveux rouges. Son accent forcé sonne toujours faux et ses airs de Kristen Stewart (avec plus de charisme, quand même) ne font qu'affaiblir la légitimité de sa présence, surtout aux côtés d'un grand acteur tel que Mads Mikkelsen.

       L'acteur danois s'impose immédiatement à notre regard : les muscles saillants et le regard sombre, il parvient à donner de la consistance au personnage de Nigel, simple bonhomme purement guidé par ses instincts animaux, dont la conduite n'est dictée que par la jalousie que Charlie lui inspire. Si l'acteur s'en sort à merveille et vole la vedette à nos deux jeunes gens, il est pourtant loin d'être bien exploité par son réalisateur. Fredrik Bond n'a clairement pas compris qu'en passant après des films tels que La Chasse ou Michael Kohlhaas (ou même la série Hannibal), il semble irrémédiablement ringard d'employer Monsieur Mads Mikkelsen dans un rôle de méchant si peu subtil, manquant diablement d'élégance et de paradoxes.

                                                                 © Koch Media

       Car le problème est bien là : le film manque de finesse. Si quelques moments de grâce naissent de l'amourette hasardeuse entre Charlie et Gabi (que le cinéaste sait enrober de tendresse et d'attention), le reste n'est que gros sabots et vulgarité. Tel un Gaspar Noé raté, Bond filme une scène de défonce avec les pieds, ajoutant divers effets spéciaux et autres détails absurdes (un oeil au fond d'une cuvette de toilettes), tout ça pour montrer qu'à Bucarest, c'est quand même l'éclate. Mais voilà, qu'on soit fêtard ou intello, les soirées roumaines telles que les montre Bond ne donnent pas envie, surtout parce qu'on ne s'y marre pas. Dans cette sombre histoire hiératique, on aurait quand même aimé rire, ne serait-ce que l'espace d'une réplique bien placée, histoire de détendre un peu l'atmosphère.  

     En voulant trop en faire et en montrant déjà une grande assurance, Fredrik Bond ne s'est pas contenté du strict minimum et a manqué sa cible. Dans le même thème d'un enfant anéanti par la mort d'un parent, Zach Braff, avec Garden State, nous avait pourtant prouvé qu'il était possible de faire un film minimaliste, intime et totalement touchant sans pour autant se planter. Comme quoi il ne suffit pas de s'appeler Bond pour être un agent spécial du septième art.

                                                                   127954

M83 - Intro (ft. Zola Jesus)

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