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Ephèm'arts
1 mai 2014

2014 ★ Apprenti Gigolo, de John Turturro

 

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Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu

          En 2012 était déjà sorti un film en l'honneur de Woody Allen : Paris-Manhattan, hommage raté réalisé par Sophie Lellouche, où le cinéaste s'emparait de la voix-off et apparaissait en coup de vent. Pour son cinquième long-métrage en tant que réalisateur, c'est aussi le défi que relève John Turturro, en choisissant le cinéaste new-yorkais comme mentor. Dans les rôles respectifs d'un gigolo et de son mac, l'élève et le maître nous embarquent dans une comédie légère un peu empotée, sous les couleurs automnales du quartier juif de Brooklyn.

          “How would Woody Allen do it ?” : c'est la question que se pose John Turturro tout au long du film sans parvenir à mettre le doigt sur la réponse. Sans jamais égaler son modèle, l'ancien Barton Fink se cantonne aux seuls traits caractéristiques alleniens et ne les exploite pas. Photographie solaire, musique jazzy, sérénade à trois : tout porte à croire qu'Apprenti Gigolo aurait pu être un parfait témoignage d'affection au cinéma de Woody Allen. Pourtant, les clichés fusent, les situations présumées érotiques s'enlisent et les bonnes idées, trop peu nombreuses, manquent un peu d'eau pour pouvoir fleurir.

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          Alors que les personnages sont dessinés au trait fin chez Woody Allen, ils sont ici triviaux et brouillons. Murray, ancien libraire new-yorkais, est une véritable caricature des protagonistes alleniens : gentiment hypocondriaque, nihiliste lourd, il ne s'avère drôle que dans sa vénalité, qui le pousse à employer Fioravante, fleuriste quinquagénaire en mal d'amour. Les dialogues entre les deux compères, souvent patauds et inégaux, sont loin de pouvoir rivaliser avec les répliques croisées dans Manhattan ou Annie Hall, toujours virtuoses et sans temps mort. A travers une réalisation maladroite et un manque de rythme déconcertant, Turturro se dépatouille comme il peut pour faire vivre un scénario peu consistant et pour donner corps à un éloge trop naïf.

          Même s'il ne crée jamais son propre style, Turturro parvient à livrer quelques moments de grâce, qui tiennent surtout au charisme de ses acteurs. Si Sharon Stone et Sofia Vergara, (colombienne déjantée vue dans la série Modern Family) ne sont présentes que pour leurs formes avantageuses, Vanessa Paradis, elle, illumine littéralement l'écran. Dans un rôle de veuve éplorée et discrète, l'actrice atteint une délicatesse touchante et rend captivants les quelques instants de flottement qui cassent le tempo du film. Elle forme un couple magnétique avec John Turturro, acteur trop rare qui a manifestement besoin de se mettre en scène lui-même pour pouvoir apparaître au cinéma. Son pouvoir de séduction a pourtant peu d'égal : en un regard intense ou un sourire malicieux, Turturro attire littéralement le spectateur à lui pour ne plus le lâcher.

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          Mais une nouvelle fois, la magie de Woody Allen s'avère inégalable. L'acteur, encore plein de vitalité et d'espièglerie, prend un plaisir fou à gigoter devant la caméra de son apprenti. Il débite son texte avec sa vélocité habituelle, donne lieu à des situations burlesques parfois hilarantes et se dandine même façon Charlie Chaplin sur un terrain de base-ball, entouré de gosses émerveillés. Il danse, court, saute, gesticule et se retrouve même à draguer une jeune française dans un bar. Le grand Woody n'a pourtant pas besoin de tout ce cirque pour briller. Son aura se répand dans la salle et ravage tout sur son passage, touchant fans incontestés et éternels sceptiques. Woody Allen est un dieu et il nous prouve encore une fois qu'il est intouchable.

          A défaut d'être un film d'auteur, Apprenti Gigolo est donc un film d'acteurs. Les surprenants Liev Shrieber et Bob Balaban se mêlent au groupe pour donner un peu plus de contenance à l'ensemble. Mais des comédiens remarquables ne suffisent pas à assouvir notre faim d'humour : on ressort de la salle avec l'impression d'avoir retrouvé des amis de longue date pour célébrer une Bar Mitzvah bien peu mémorable. Comme quoi, il ne suffit pas d'avoir tourné avec les frères Coen pour comprendre les rouages de la comédie. A méditer...

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Vanessa Paradis - Tu Si Na Cosa Grande

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